JULIEN LESTEL
Né à Narbonne, Julien Lestel est arrivé à Paris à l’âge de onze ans pour intégrer l’école de danse de l’Opéra de Paris. C’est comme danseur et chorégraphe que nous le retrouverons à la tête de sa compagnie, le 27 juin 2011, au Théâtre des Champs-élysées, pour présenter sa nouvelle création, Corps et Âmes.
Après un beau parcours de danseur, la formation de votre compagnie en juillet 2006 a-t-elle été une suite logique ?
Les danseurs peuvent évoluer vers l’enseignement ou d’autres métiers, mais pour moi la chorégraphie, vers laquelle je me suis tourné assez tôt, était une évidence. Voir les interprètes heureux et le public très réceptif m’a poussé à créer une compagnie pour danser mes propres pièces. Les choses se sont faites par étapes. J’ai d’abord créé des solos, puis des duos, des trios, etc. C’est pour me consacrer uniquement à ma compagnie que j’ai décidé de quitter le Ballet national de Marseille avec lequel j’ai travaillé, avec beaucoup de plaisir, ces dernières années.
Il y a beaucoup de danseurs italiens dans votre compagnie. Quelle en est la raison ?
Ils sont au nombre de six. En 2010, pour sa comédie musicale Casanova, Pierre Cardin m’a demandé une chorégraphie avec des interprètes italiens. J’ai donc auditionné et recruté des danseurs venus d’Italie auxquels ensuite – parce que je suis fidèle – j’ai proposé d’intégrer la compagnie.
On sent dans votre travail des influences diverses. Comment définiriez-vous votre style ?
Je dirais que je suis un chorégraphe néoclassique avec une influence contemporaine marquée. J’ai une formation classique de l’Opéra de Paris et j’ai travaillé aussi avec des gens comme Pina Bausch, Carolyn Carlson, Angelin Preljocaj… J’ai trouvé et façonné mon style avec ces influences diverses.
Votre chorégraphe préféré ?
Jiří Kylián. J’ai eu la chance de travailler avec lui. C’est le chorégraphe qui me touche le plus, son travail est ingénieux, très limpide, magique. J’aime aussi beaucoup Pina Bausch pour la pureté de ses gestes, danser pour elle m’a beaucoup apporté. Chaque membre de sa troupe, qu’il soit sur le devant de la scène ou au fond, est important et s’exprime avec le sentiment très fort d’appartenir à un groupe.
Venons-en à Corps et Âmes. Comment présenteriez-vous cette nouvelle création ?
Le propos du spectacle a deux aspects, un premier très physique, très terrien, et le second plus fluide, délicat, un mélange du corps et de l’esprit que nous avons tous dans la vie. Le ballet avec onze danseurs commence sur quelque chose de très physique et finit sur un moment fortement symbolique lié à l’âme. C’est un voyage, sans narration, pendant lequel j’ai tenté de décrire avec mon langage les affrontements du corps et de l’âme.
La musique originale est signée Karol Beffa. Aviez-vous déjà passé une commande musicale ?
Non, c’est une première ! J’ai travaillé avec Philip Glass notamment et toujours utilisé des musiques existantes. Pour Corps et Âmes, je voulais que tout soit neuf, y compris la musique, et que l’on puisse travailler avec le compositeur, la main dans la main. Karol Beffa est un grand compositeur ayant écrit beaucoup d’œuvres orchestrales ou de musique de chambre. Sur un plan pratique, on a dû trouver un peu de place dans son planning très chargé et c’était passionnant de travailler avec lui et de trouver un chemin commun. La chorégraphie est venue après.
À ce propos, la création chorégraphique reste une chose assez mystérieuse !
C’est vrai, on ne sait pas toujours ce que l’on va créer le jour où on se met au travail. Ce sont des sensations, des émotions, des idées qu’on a reçues auparavant et qui se traduisent par des mouvements. Il faut trouver des formes originales, sortir un peu de ce que l’on a vu ou fait auparavant. Tout est filmé pour éviter l’oubli. Lorsque je visionne, je change parfois des petites choses. Ensuite, je les apprends aux danseurs à qui je laisse une part de liberté car je veux qu’il y ait aussi l’empreinte de leur style. Ce travail avec eux est assez long. Je suis là comme un peintre ou un sculpteur pour arranger, peaufiner. Parfois il suffit de trouver le détail pour qu’un mouvement fonctionne bien.
Pour nous spectateurs, n’avoir qu’une seule date au théâtre des Champs-élysées est un peu frustrant !
Pour nous aussi (rires) ! Maintenant, le théâtre des Champs-Élysées est une chance énorme pour une jeune compagnie. Nous irons jouer au Grand Théâtre d’Aix-en-Provence, le plus beau théâtre de la région, puis en Italie au festival Puccini. Je continue en parallèle à tourner mes autres chorégraphies en Grèce et à Moscou dans les mois qui viennent.
Les Parisiens vous ont connu avec Les Âmes frères. Je suppose que pour vous, cette œuvre est particulièrement importante ?
Oui, elle occupe une place à part ! C’est l’une des premières pièces que j’ai écrite, un duo avec Gilles, mon assistant chorégraphe. Nous sommes liés par une très belle histoire. Rentrés ensemble à l’école de l’Opéra de Paris, faisant des carrières parallèles, nous nous sommes toujours soutenus. Les Âmes frères racontent cette amitié. Nous les avons données trois fois à l’Espace Cardin. Je garde un souvenir très fort de la toute première fois (il était 11 heure du matin) où nous les avons montrées à Pierre Cardin. Il est venu vers nous, visiblement ému, en nous disant qu’il nous donnait son théâtre pour trois dates. Malgré ce temps très court, le bouche-à-oreille a fonctionné de manière fulgurante. Ces représentations nous ont permis d’avoir des contacts qui nous ont amenés plus tard à la salle Gaveau et au théâtre des Champs-Élysées.
C’est un ballet que nous allons revoir ?
Oui, les 8 et 10 juillet au théâtre Marsoulan. On va le danser en Nouvelle-Calédonie (nous avons un partenariat pour la création l’an prochain d’un Sacre du printemps avec ma troupe et une compagnie kanak). On a aussi le projet de redonner Les Âmes frères à l’Espace Cardin.
Et si l’on veut vous voir danser en France dans les prochains mois ?
Le programme, assez chargé, est exposé en détail sur notre site Internet. Il faut noter que nous sommes au Havre le 24 juillet pour Anastylose, un trio (deux garçons et une fille) accompagné par François-René Duchâble au piano qui, du fait de sa personnalité, fait partie intégrante du spectacle !
Portrait de danseur : Marco Vesprini
Son incroyable assurance sur scène pourrait faire oublier que ce danseur a tout juste vingt ans. Ayant débuté par l’acrobatie, Marco Vesprini est venu au classique après avoir ressenti beaucoup d’émotions durant ses premières leçons de danse. Il entrevoit alors très vite quelle pourrait être sa voie. Il déménage de Vigevano pour Milan où il va étudier plusieurs disciplines : classique, hip-hop, moderne. Cette large palette lui donne aujourd’hui une aisance toute particulière, quasi innée, rare chez un danseur de cet âge.
Il rencontre Julien Lestel lors d’un casting pour Casanova qu’il danse le soir de la création, place Saint-Marc à Venise, le 12 juillet 2010. Depuis, le chorégraphe travaille régulièrement avec lui et après un travail assez intense, lui donne une place importante dans ses créations, dont un rôle dans Constance. Personne ne sera surpris que Marco Vesprini affirme avec enthousiasme et beaucoup de conviction : « Pour ma première expérience, c’est une chance énorme d’intégrer une compagnie et de m’imprégner d’un style que j’aime beaucoup. C’est nouveau, je travaille en groupe avec des danseurs venus de l’Opéra de Paris, dans des grands théâtres, et j’adore le travail avec Julien, je demande juste que tout cela continue encore longtemps ! »
La création de Corps et Âmes (son troisième ballet) lui prend du temps et beaucoup d’énergie sans lui donner toute la liberté qu’il voudrait pour découvrir Paris qu’il adore. « Cette ville est incroyable, tellement différente et attirante, surtout pour moi qui viens d’une petite ville à côté de Milan. Ici, je me sens très bien ! »
Un bien-être qui transparaît sur scène où son énergie et son élégance font merveille. C’est dire l’impatience que nous avons de le voir se produire sur la scène du théâtre des Champs-Élysées !
Corps et Âmes au Théâtre des Champs-Élysées : 15, avenue Montaigne 75008 Paris
Lundi 27 juin 2011 à 20 h – 01 49 52 50 50
Les Âmes frères seront données les 8 et 10 juillet 2011 au théâtre Marsoulan : 20, rue Marsoulan 75012 Paris – 01 43 41 54 92
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