Il a six ans quand il monte pour la première fois sur scène. Pour faire plaisir à papa-maman, Samuel Perche passe son bac et s’inscrit à la fac, et puis le naturel revient au galop : il intègre une compagnie à Rennes avant de venir bosser à Paris et de se trouver propulsé sur une très belle affiche, celle du Squat. Après sept ans de réflexion, il revient, plus en forme que jamais, au théâtre Clavel dans la pièce de Christophe Botti, Un cœur en herbe.
Samuel, pour toi, les choses ont commencé très vite et très fort !
C’était en 2000. J’ai eu la chance de jouer dans Le Squat à la Madeleine et au même moment de tourner La Vie devant nous. À vingt ans, j’ai donc bossé comme un fou dans de grosses structures de théâtre privé et de production télé. Le Squat reste un superbe souvenir, j’avais l’impression de réaliser mes rêves d’enfant. Mais je me sentais un peu hors de la réalité, tout était trop facile et surtout, au bout de deux ans et demi, j’ai ressenti un gros coup de fatigue. Quand on n’est pas préparé, c’est difficile de gérer ce tourbillon. J’ai eu besoin de freiner un peu, de poser les choses et de prendre du recul.
Le résultat ?
Cinq ans à faire totalement autre chose, j’ai retapé un appartement, fait des petits boulots, ce qui m’a aidé à me construire ; brûler les étapes n’est jamais bon ! Il m’a ensuite fallu deux ans pour me remettre le pied à l’étrier et rejouer, revenir avec des désirs et des envies précises.
Pouvais-tu imaginer que cela allait être difficile de revenir ?
Non, ce n’est pas une chose à laquelle j’ai pensé. Il m’a fallu attendre de ressentir le manque, de comprendre que jouer était un besoin viscéral. C’est vrai, le retour n’est pas simple, il faut tout reconstruire avec finalement beaucoup de surprises parce que les choses ont beaucoup changé, notamment avec la « peoplisation» des acteurs, tous les nouveaux moyens de diffusion… Sans oublier que je ne suis plus un gamin de vingt ans ! Attention, c’est cool d’avoir vingt ans, mais trente ans, c’est encore meilleur, surtout avec le sentiment d’avoir la vie devant soi !
Quand on est un bon comédien, est-ce que le physique n’est pas un inconvénient ?
Cela veut dire que tu me traites de bon comédien (rires) ? Je n’ai pas envie de me plaindre de la gueule que j’ai (j’y suis pour rien !), mais oui, c’est un peu plus difficile de se placer dans des rôles de tous les jours et je n’ai pas forcément envie de jouer le beau gosse de service, c’est aussi pourquoi j’ai pris du recul après Le Squat, je ne me reconnaissais plus dans l’image que l’on avait de moi. Il faut ajouter que c’est un peu compliqué car en France on a un problème avec ça : si l’on prend les États-Unis par exemple, tous les grands acteurs ont une gueule ! Le tout c’est de savoir ce que l’on en fait.
Ça fait longtemps que tu n’as pas tourné ?
Un peu trop, oui ! La dernière fois c’était dans De toutes mes forces de Delphine Gleize. Cela me manque, j’aimerais retrouver les sensations de la caméra. Ceci dit, j’aime tellement le théâtre que je pourrais ne faire que ça !
Tu as aussi tâté de la mise en scène ?
C’est venu totalement par hasard. J’ai travaillé avec Bruno Geslin sur Molinier, mes jambes, si vous saviez, quelle fumée… sans oser imaginer mettre en scène. C’est un désir qui a toujours été présent mais que je n’ai jamais assumé avant. La rencontre avec Jean-Philippe Set pour Le Jardin des dindes a fait que j’ai pu passer à l’acte. Et ça m’a beaucoup plu !
Qu’aimes-tu voir au théâtre ?
J’ai besoin que l’on me transporte et que l’on m’amène quelque part. J’aime des choses assez différentes. La saison dernière j’ai été subjugué par Apollonia de Krzysztof Warlikowski à Chaillot. Ceci dit, j’aime bien aussi aller au théâtre pour des choses légères.
Après comédie et mise en scène, envisages-tu de passer par la « case écriture » ?
C’est fait ! J’ai écrit une pièce avec Stéphane Navarro, Just Be, qui parle de l’identité et de la liberté sexuelle. Nous sommes en train de faire des lectures.
Tu viens de prononcer le mot identité. Y a-t-il des mots que tu détestes ?
À part journaliste (rires) ? Non, en fait, j’aime bien tous les mots. Ce ne sont pas les mots que je n’aime pas, ce sont certaines bouches qui les disent !
par Philippe Escalier